Écriture / éditions
Waterproof, texte à lire même quand il pleut, 2025
Ce texte a été écrit et mis en page par Bérénice Nouvel et distribué à l’occasion du vernissage de l’exposition “Peturbations” dans la Borne à Aubigny-sur-Nère (du 11/03/25 au 08/04/25).Extrait du texte:
“(...) J’ai fait un envoi risqué qui me procure de l’adrénaline : pas de pesée, juste trois 8mbres. Elles ont trouvé leur route. Par contre elles ont pris la pluie et elles sont devenues un gros tas de mots mouillés.
Je me suis dit que c’est pas possible. Que c’est pas le genre de chose qui arrive aux chiffres sur mes fiches de paye et mes factures d’électricité. Ça n’arrive pas non plus aux grosses le@res sur les pub du supermarché et les meilleurs voeux de la région. Ces chiffres et ces mots restent au sec. Certains sont même protégés par le papier glacé. Alors ça arrive aux mots de mes édi8ons. Je l’ai pris personnellement car je mélange toujours les frais professionnels et les frais personnels. (...)”.
Painted Love, 2024
Ce texte est un récit autofictionnel, qui mélange des éléments autobiographiques à la fiction. Il a été mis en page, imprimé et relié à Cherbourg par Églantine Marcel, et distribué à l’occasion de l’exposition « Tainted Love » de Bérénice Nouvel sous le commissariat d’Émilie d’Ornano dans le centre d’art KOMMET à Lyon (du 13 décembre 2024 au 8 février 2025).
Extrait du texte:
« (...) Sans le savoir, le métier de mes parents m’a permis d’être très tôt confrontée à la réalité de ce qu’allait être ma vie professionnelle d’affiliée au régime des artistes-auteurs (« artiste-autrice » n’a pas non plus de nom chez l’Urssaf Limousin). Toustes deux à leur compte, ma mère en coiffure et mon père en enseigne. La voie de l’indépendance. Ce que je voyais de leur métier quand j’étais petite était très différent de ce que je peux voir maintenant. Maintenant, je vois l’épuisement physique et moral de la même pratique artisanale menée toute une vie, le stress et l’eczéma aux coudes à vouloir que l’affaire tourne, la tendinite qui s’apprête à attaquer tous les bouts de corps qui se plient. Je me rappelle que ma mère me racontait, quand elle parlait de ses débuts en tant que coiffeuse, qu’elle faisait des allergies en réaction aux couleurs et autres produits toxiques qu’elle appliquait sur les têtes. Ça fait des grosses plaques rouges qui grattent entre les doigts. La peau est tellement sèche que parfois ça pète jusqu’au sang. J’ai la chance de ne pas connaître ce péril. Les risques, en faisant couler de la couleur sur mes doigts, c’est juste d’avoir l’air crade. On m’a appris à bien présenter pour faire bonne impression. Alors dans les vernissages je regarde les doigts qui tiennent les verres. Et c’est comme les coiffeuses qui reconnaissent celles qui ne mettent pas de gants pour appliquer les couleurs. En coiffure, ça déteint l’ongle ; en peinture, la matière se coince dans l’interstice entre la peau, près des cuticules. Dans les deux cas, ça fait comme un vernis mal dissous. Un vernis bizarre (...)”.
Vues dans l’exposition “Tainted Love” à KOMMET, Lyon :



Toute la peinture que j’aime, 2023
Mémoire de DNSEP, Janvier 2023, sous la direction de Xavier Vert.Toute la peinture que j’aime est un récit autofictionnel qui raconte d’où je viens et ce que j’ai (parfois) à en dire, ainsi que mes rencontres avec des peintures et des peintre·sses.
Extrait du texte:
« Mon père est enseigniste.
Après un début de carrière en tant que fresquiste et dessinateur de cartoons, il a abandonné crayons, pinceaux et aéographe pour aller là où son destin devait le mener: l’adhésif. Ses sautes d’humeur seront maintenant guidée par la qualité de la colle du vinyle, ses tendinites par le marouflage à répétition, et ses coups de colères par l’apparition de bulles d’air inopinées.
Il aurait aussi pu devenir peintre en lettres, il y avait encore les pinceaux, il y avait encore le mot « peintre » dans son titre. Mais c’était pas ça le truc. C’était les dessins, la peinture, les personnages, les gros traits noirs et les animaux. La caricature et la vitesse. C’était pas les lettres. De toutes façon vous savez, l’informatique ça va plus vite, c’est plus facile, c’est plus rentable, c’est ça que les gens veulent maintenant. Il a alors fallu troquer l’aérographe contre le cutter, les crayons contre Adobe Illustrator, et le debout contre le assis-fauteuil.
C’est encore arrivé, par sursaut ponctuels, qu’il les reprenne en main. Un phare breton dans le salon. Aussi, un début de champs de lavande dans la bibliothèque, à côté des BD et de l’étagère à figurine vitrée. Il y a aussi eu des portraits dans le hall d’entrée. Surtout, des grosses pierres. Il les peint à la chaîne sur les murs ou du béton Ciporex pour décorer les couloirs.
Mais c’était comme se forcer à aimer ça encore. C’était comme le faire parce que ma mère était pas contente de voir les pots de peinture trainer dans l’évier de la cuisine, et qu’il fallait en finir une bonne fois pour toutes. Iels se sont encore aimés un peu. Il a fallu décorer son salon de coiffure. Des angelots partout, des colonnes en faux marbre et des vues sur la Grèce. Puis c’était fini. Le plaisir était mort. »
- Extrait de la première partie





Toutous 2023
Distribué à l’occasion du vernissage de « Exposition de peinture pour chiens», dans la SUPER Galerie, Nantes, Mars 2023.
Extrait du texte:
« Ça a été un peu long. Ça s’est figé, d’un coup, bien en face dans les pupilles, une fixation dans le brillant qui reflète les lumières de la rue. Ça scintille, ça fixe, ça clignote pas. C’est stable et rassurant. J’ai presque plus respiré. Toi, je voyais ton ventre se remplir et se vider très vite. Vide plein vide plein vide plein vide plein. Tu faisais rentrer l’air dans tes poumons à une cadence infernale. Pourtant, à part ton ventre qui se gonfle, tu restes immobile.
D’un coup, t’es vite parti·e un peu plus loin. Gratter dans une poubelle. J’ai sursauté. Je t’ai observé longtemps. Je regardais comment tu faisais, avec tes pattes qui grattent comme dans la terre, pour sortir des vieux sacs en plastiques les choses que t’allais mettre dans ta bouche. Ça faisait un gros bruit de plastique et de carton froissés. Tu léchais quelques trucs, mais tu t’attardais jamais trop longtemps. Quand t’avais fini d’un, t’en cherchais déjà un autre.
C’est à ce moment là que ma machine à fantasmer s’est mise en marche. Je me suis vue, dans ma chambre, dans mon lit, avec toi. Oui, je t’ai voulu pour moi toute seule. Un petit chien marron poils drus et longs. Je me trouvais même te ressembler. »
- Extrait du texte « Le chien croisé dans la rue en rentrant chez moi »
