Écriture / éditions


Toute la peinture que j’aime, 2023

Mémoire de DNSEP, Janvier 2023, sous la direction de Xavier Vert. 

Toute la peinture que j’aime est un récit autofictionnel qui raconte d’où je viens et ce que j’ai (parfois) à en dire, ainsi que mes rencontres avec des peintures et des peintre·sses.

« Mon père est enseigniste.

Après un début de carrière en tant que fresquiste et dessinateur de cartoons, il a abandonné crayons, pinceaux et aéographe pour aller là où son destin devait le mener: l’adhésif. Ses sautes d’humeur seront maintenant guidée par la qualité de la colle du vinyle, ses tendinites par le marouflage à répétition, et ses coups de colères par l’apparition de bulles d’air inopinées.

Il aurait aussi pu devenir peintre en lettres, il y avait encore les pinceaux, il y avait encore le mot « peintre » dans son titre. Mais c’était pas ça le truc. C’était les dessins, la peinture, les personnages, les gros traits noirs et les animaux. La caricature et la vitesse. C’était pas les lettres. De toutes façon vous savez, l’informatique ça va plus vite, c’est plus facile, c’est plus rentable, c’est ça que les gens veulent maintenant. Il a alors fallu troquer l’aérographe contre le cutter, les crayons contre Adobe Illustrator, et le debout contre le assis-fauteuil.

C’est encore arrivé, par sursaut ponctuels, qu’il les reprenne en main. Un phare breton dans le salon. Aussi, un début de champs de lavande dans la bibliothèque, à côté des BD et de l’étagère à figurine vitrée. Il y a aussi eu des portraits dans le hall d’entrée. Surtout, des grosses pierres. Il les peint à la chaîne sur les murs ou du béton Ciporex pour décorer les couloirs.

Mais c’était comme se forcer à aimer ça encore. C’était comme le faire parce que ma mère était pas contente de voir les pots de peinture trainer dans l’évier de la cuisine, et qu’il fallait en finir une bonne fois pour toutes. Iels se sont encore aimés un peu. Il a fallu décorer son salon de coiffure. Des angelots partout, des colonnes en faux marbre et des vues sur la Grèce. Puis c’était fini. Le plaisir était mort. »

- Extrait de la première partie




Toutous 2023

Textes de Bérénice Nouvel et poèmes d’Élise Legal, design graphique par Églantine Marcel. Édition accompagnée d’autocollants en édition limitée.
Distribué à l’occasion du vernissage de « Exposition de peinture pour chiens», dans la SUPER Galerie, Nantes, Mars 2023.

« Ça a été un peu long. Ça s’est figé, d’un coup, bien en face dans les pupilles, une fixation dans le brillant qui reflète les lumières de la rue. Ça scintille, ça fixe, ça clignote pas. C’est stable et rassurant. J’ai presque plus respiré. Toi, je voyais ton ventre se remplir et se vider très vite. Vide plein vide plein vide plein vide plein. Tu faisais rentrer l’air dans tes poumons à une cadence infernale. Pourtant, à part ton ventre qui se gonfle, tu restes immobile.

D’un coup, t’es vite parti·e un peu plus loin. Gratter dans une poubelle. J’ai sursauté. Je t’ai observé longtemps. Je regardais comment tu faisais, avec tes pattes qui grattent comme dans la terre, pour sortir des vieux sacs en plastiques les choses que t’allais mettre dans ta bouche. Ça faisait un gros bruit de plastique et de carton froissés. Tu léchais quelques trucs, mais tu t’attardais jamais trop longtemps. Quand t’avais fini d’un, t’en cherchais déjà un autre.

C’est à ce moment là que ma machine à fantasmer s’est mise en marche. Je me suis vue, dans ma chambre, dans mon lit, avec toi. Oui, je t’ai voulu pour moi toute seule. Un petit chien marron poils drus et longs. Je me trouvais même te ressembler. »

- Extrait du texte « Le chien croisé dans la rue en rentrant chez moi »