- Clare Mary Puyfoulhoux, catalogue de l’exposition collective du prix Host Call 3, Juin 2023.

Tout est plein chez Bérénice Nouvel, couleurs en aplat, formes mimant (par la 2D) ou reproduisant (en sculpture) l’existence réelle d’objets manufacturés ayant pour particularité d’être conjointement contenants d’une matière à consommer et supports publicitaires. Le jeu est multiple, il interroge l’authentique, l’original, la copie, le désir, la consommation, le support, la projection. Le médium peinture devient le moyen d’interroger les informations qui saturent l’espace visuel et mental du quotidien. Renvoyant à la peinture populaire congolaise (on pense à Chéri Samba) ou à Pierre Huygues pour l’incursion dans les marges, décors du présent, le travail articule vrai et faux, toc, tragique de l’anthropocène, et inconscient collectif du consommateur occidental contemporain. La présence de Cola, sa chienne, sur des photos de mise en situation d’œuvres (peinture sur voiture, affiche tendue sur un mur, tableau représentant l’os convoité), convoque l’autofiction et le kitsch. L’aspect frontal du travail en est la tangente : sans commentaire, restitution presque neutre, l’œuvre offre au spectateur un regard sur le machinal de sa vie.


- Laëtitia Toulout
“Bérénice Nouvel, des grincements par l’illusion”, extrait de l’article consultable sur magazine en ligne The Steidz, Mai 2023.
(...) Du slogan à la poésie, du crush à la relation amoureuse, les œuvres rejouent ou approfondissent ce qui est en train de se produire au-delà de la rétine du spectateur.

Plus que de dépasser, Bérénice Nouvel parle de « déplacer ». Sa production artistique induit des alternatives : alternatives aux produits, à ce qu’ils nous font ; alternatives aux lieux de monstration des œuvres. On peut croiser ses peintures mises en scène dans la nature, dans une vitrine d’une boutique, en adhésif sur une voiture ou dans l’espace public, dans la rue. L’artiste cherche à contextualiser son travail, à le rendre accessible au-delà des lieux d’exposition et à « mettre la peinture au défi ». De même que les superpositions d’éléments qui composent ses toiles, photographier les œuvres dans tel ou tel contexte est pour elle une couche supplémentaire, un « autre moyen de produire une image ». Les peintures peuvent ainsi être mise en scène avec sa chienne, Cola, qui revient tel un personnage de bande dessinée ; ou bien, des voitures peuvent devenir des peintures ambulantes et ainsi « investir l’espace quotidien » pour, éventuellement, parler au plus grand nombre.

C’est aussi une manière pour Bérénice Nouvel « d’affirmer d’où elle vient » et d’assumer ce « regard d’en bas », un prisme depuis l’intime plutôt que l’universel, un partage envisagé de manière horizontale plutôt qu’une transmission verticale. « Si des choses me touchent, elles pourront toucher d’autres personnes », affirme-t-elle. Des morceaux de la vie personnelle de Bérénice s’inscrivent dès lors dans ses œuvres, puisqu’elle est inspirée tant par l’histoire de son père, enseigniste, que des produits de consommation préférés de ses amis. Cette « autobiographie fictive » qui se tisse au fur et à mesure de son travail prend le parti pris d’une narration couchée sur le papier, un travail d’écriture qui s’imbrique à celui de la peinture… Et en renforce les aspects de sympathie et de douceur que l’on peut ressentir ici.

À travers ses œuvres, l’artiste crée un lien presque amical avec le public. Pourtant, « quelque chose de trop doux peut devenir grinçant » comme elle le dit, et Bérénice Nouvel joue avec ce degré de naïveté par lequel on peut se laisser prendre. Derrière la « reconnaissance immédiate » peuvent se faufiler les mécanismes de la tromperie : qu’ils soient visuels ou qu’ils considèrent nos affects ou intellects. Trompe-l’œil, trompe-cœur.